23.8.07

Une histoire, je m’amuse : Kiwi aux ailes atrophiées


Ce matin, je me suis levée avec cette étrange sensation d’avoir laissé une partie de moi dans mon lit. Je suis rendue un oiseau, qui a perdu la faculté de voler. Maintenant, tel un volatile aux ailes atrophiées, je ne plane que lorsque je suis endormie. Mais cela ne me suffit pas. Il est temps de quitter ce lieu froid et de me diriger vers la ville. J’irais me caresser la tête sur le gravier montréalais avant d’aller terminer ma course dans cette boutique à l’odeur hippie. La petite boucherie artisanale. Ils feront de ma chair un tendre feuilleté et récupèreront mes plumes pour en faire des capteurs de rêves à la con... Ce n’est pas avec maussaderie que je glisse ces mots, mais en commun accord avec moi-même. Je dois partir d’ici parce que je ne suis plus capable d’y vivre.

Cette nuit, je me trouvais perchée sur un rempart, regardant, piqué dans la mare de grenouilles, une masse de plumes chère à mes yeux, ou disons plutôt, un oiseau, qui aurait semblé, pendant un court moment de ma vie, être une créature à qui j’étais attachée.

Debout, les yeux clos, ces paroles sortirent de ma bouche, je vous en épargne le début et la fin;

…Merci de m’avoir aidé à te jeter par-dessus bord. Tu étais un peu lourd l’ami et moi faible. Ton allure fière sur le rempart était belle à voir tomber, la musicalité qui suivait ta chute, rassurante...

Ce survol de mes paroles ne brime pas ma conscience. J’ai tué un être, j’ai nourri des tas de grenouilles et je me sens tranquille. Son sort tragique, exécuté à mon profit, ne cessait de s’embellir par le souvenir du son de sa chute. « Poser sa main sur un piano, ce n’est pas encore faire de la musique» (Kundera).

La magie sanglante de cet acte n’est pas facile à décrire, car j’arrive au passage qui traite d’un fait irréfutable qui suit l’instant précis où se sont arrêtées les aiguilles de la montre de M. Oiseau.

C’était trop facile.

Les couleurs de cette journée faisaient absence au blanc. Comme si je m’étais décidée à peindre photographiquement le blanc en jaune. Ce n’est pas mon être qui écrit ces mots, mais ma mémoire qui puise dans mes fantasmes. Lorsque je suis totalement réveillée, le tout est beaucoup plus émotif, sans structure. Ce qui est rationnel j’en ai franchement rien à faire. Ce pauvre type est mort et il n’avait que très superficiellement étudié mon âme. Il est pénible de se livrer uniquement sur ce fait, mais s’il avait porté plus d’importance sur ma personne, il n’aurait pas pris le risque de me suivre près du rempart. La volonté d’un homme est-elle si faible que sa perte réside dans ses pantalons? Il est plutôt difficile d’oublier la facilité que j’ai eue pour qu’il se livre à moi, et ce, sans se soucier que je m’apprêtais à l’exécuter. Je ne ferais aucun soupir de compassion, puisque dans cette histoire, c’est moi qui est la plus à blâmer. Une autre création dont je n’ai pas le mérite. Il m’est impossible de surmonter plus longtemps cette ineptie, je dois partir.

1 commentaire:

Anonyme a dit...

wow Jeanne. J ignorais que tu avais une plume si bien affûtée. C est avec plaisir que je découvre cet espace. Merci pour les photos de Cabano, elles sont vraiment belles. Bon retour à Montréal.

À bientôt
JPxx